Fats Domino, Johnny Halliday, Ray Sugar Robinson (1962)
Click HERE to read an article from The Guardian!
Questions on the article from The Guardian:
- What is “the tragedy of Johnny Hallyday”?
- Why should he “have sung Piaf, not Presley”?
- What does “purveyor of pastiche” mean?
- Why was he “mercilessly teased by French satirists and despised by the many tribes of French intellectuals, both of the right and the left”?
- Are there aspects of American culture that French intellectuals do admire (why)?
- Do you agree he was “one of the most remarkable of all rock stars”?
- In what way is he “a symbol of French cultural resistance”?
- Do you, like De Gaulle, condemn him as a fifth columnist for “American cultural imperialism”?
- Do you agree “France is a grown-up country that does not have to rely on US missiles or US pop stars”?
- Why is France so afraid of cultural colonisation by the US do you think?
La tragédie de Johnny Hallyday ? Il aurait dû chanter Piaf, pas Elvis…
ReplyDeleteArticle de John Lichfield, The Guardian, 07/12/2017
La France a perdu sa dissuasion nucléaire culturelle, son grand-père préféré, son éternel adolescent, l’un de ses plus grands trésors nationaux et son sujet de plaisanterie récurrent. Johnny est mort.
Après cinquante-huit ans passés à être une icône du rock limitée à un seul pays, Johnny Hallyday s’est glissé dans son pantalon scandaleusement serré et a brossé sa blonde crinière élaborée pour la dernière fois. Hallyday, né Jean-Philippe Smet, est mort mercredi à l’âge de 74 ans.
La génération des rock stars des années 1950 et 60 est indestructible, mais rares sont celles à avoir tenu aussi longtemps que Johnny Hallyday. En 1960, quand il a fait son premier disque, les charts du Royaume-Uni étaient dominés par Elvis Presley, Buddy Holly, Tommy Steele et Lonnie Donegan.
Hallyday est demeuré jusqu’à la fin l’artiste de scène le plus populaire de France : notre rockeur national, l’un des plus gros vendeurs de disques, aimé des grands-mères comme de leurs petits-enfants. Il a enregistré 1 000 chansons, vendu plus de 110 millions de disques, effectué plus de 100 tournées, a eu quatre femmes, deux enfants, deux petits-enfants et adopté deux enfants. Il a tenté deux fois de se suicider et fait des dizaines de films. Il détient le record de couvertures de Paris Match.
Et pourtant, aucun de ses tubes (comme on dit en français) n’a pénétré bien loin au-delà du monde francophone. Joue pas de rock’n’roll pour moi, C’est le mashed potatoes, Laissez-nous twister, Quelque chose de Tennessee (de loin sa meilleure chanson) n’ont pas touché les charts internationaux.
Les étrangers se moquaient volontiers de Johnny Hallyday. USA Today l’avait un jour décrit comme “la plus grande rock star dont vous n’avez jamais entendu parler”. En France, il était également impitoyablement taquiné par les satiristes et méprisé par les nombreuses tribus d’intellectuels, de droite comme de gauche. Et il y avait quelque chose de comique dans sa détermination à imiter – certains diraient assassiner – toutes les modes que la musique populaire anglo-saxonne a vu défiler pendant un demi-siècle : rock en blue-jean, pop avec destruction de guitare, psychédélique, hard métal, reggae, disco et retour au rock en blue-jean.
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SUITE ET FIN...
ReplyDeleteJe pense pourtant que Johnny mérite davantage que des moqueries. Il mérite de rester dans les mémoires comme l’une des plus remarquables de toutes les stars du rock, même s’il n’a jamais maîtrisé ni transcendé le genre comme un Elvis Presley ou un Mick Jagger.
Sa vie et sa carrière sont une tragédie musicale enveloppée de mystère politique. Il a commencé comme “corrupteur de la jeunesse française” à moitié belge pour finir comme totem national, symbole de la résistance culturelle française.
Ses premiers concerts déclenchaient des émeutes. Si Johnny voulait aller dans une boîte de nuit dans les années 1960, il essayait d’y entrer en voiture. Il était interdit de séjour dans plusieurs villes de France. Le président Charles de Gaulle le considérait comme la cinquième colonne au service de “l’impérialisme culturel américain”.
Il est pourtant devenu l’équivalent musical de la dissuasion nucléaire française, la preuve que la France était un pays adulte qui n’avait pas à faire appel aux États-Unis pour les missiles ou les pop stars. C’était un homme simple, chaleureux, sincère, généreux et un acteur étonnamment bon. Il a été l’ami personnel de deux présidents, Jacques Chirac et Nicolas Sarkozy, qui se déclaraient les successeurs spirituels de De Gaulle. Il a été fait chevalier de la Légion d’honneur, une décoration qui est réservée à “l’élite vivante de la nation”.
Le quotidien conservateur Le Figaro l’a jadis stigmatisé pour finir par déclarer que c’était “un phénomène… dont chaque chanson reste dans la mémoire de millions de Français comme la madeleine [de Proust]”.
Tel était le mystère Hallyday – qui s’inscrit dans le mystère français. La crainte d’une colonisation culturelle des États-Unis a fait une icône nationale d’un homme qui transformait la musique populaire américaine en musique populaire française.
Il avait une voix charnue, profonde, rauque – une voix qui donnait l’impression d’avoir mariné dans les Gauloises et le mauvais vin rouge. Et c’était son drame. Il adorait sincèrement le rock’n’roll. Il adorait sincèrement l’Amérique. Il a passé une bonne partie de ses dernières années incognito à Los Angeles, où il pouvait aller dans le désert avec sa Harley-Davidson et passer pour un autre faux Elvis vieillissant. Or même s’il était à moitié belge, il était irrémédiablement français.
Ses chansons les plus mémorables sont des ballades qui auraient pu être chantées par Édith Piaf. La voix superbe d’Hallyday était bizarre et peu convaincante quand il s’essayait au rock. Il en avait accusé la langue française, qui possédait selon lui trop de syllabes pour faire de bons textes de rock.
Mais écoutez-le chanter une ballade dans la tradition de la chanson française, Quelque chose de Tennessee, Oh Marie ou Que je t’aime, par exemple. Johnny le rockeur était un imposteur sympathique mais Johnny le chanteur français était un génie.